La décision rendue par le Conseil d’Etat le 4 février 2025, sous le numéro 494180 (mentionnée aux tables), apporte plusieurs précisions intéressantes : l’une concernant l’interruption du délai d’instruction d’une demande d’autorisation d’urbanisme par une demande de pièce complémentaire émanant de l’autorité compétente, l’autre sur l’appréciation de l’urgence à suspendre les décisions de refus.
En l’espèce, un couple propriétaire avait procédé, sans autorisation, à une extension de leur maison d’une surface de 57 m² avant de chercher à régulariser la situation, plusieurs années plus tard, par le dépôt d’une demande de permis de construire.
Face au rejet de cette demande et du recours gracieux formé à l’encontre de celui-ci, les propriétaires ont saisi le juge des référés d’une requête en suspension des effets de ces décisions et tendant à ce qu’il soit d’enjoint maire de réexaminer de la demande de permis de construire.
Par une ordonnance du 25 avril 2024, le juge des référés du Tribunal administratif de Nice a fait droit à ces demandes. C’est à l’encontre de cette décision que la commune s’est pourvue en cassation.
Pour annuler cette décision, le Conseil d’Etat considère que le juge des référés a commis deux erreurs de droit.
1️⃣ La première concerne l’effet sur le délai d’instruction de l’autorisation d’urbanisme de la demande de pièces complémentaires formée par le service instructeur.
En l’espèce, la commune avait adressé aux pétitionnaires une demande de pièces complémentaires portants sur deux éléments, dont un ne faisait pas partie de ceux listés dans les dispositions du livre IV de la partie règlementaire du code de l’urbanisme (CU).
Le Juge des référés avait jugé que cette demande était illégale au regard des dispositions selon lesquelles le service instructeur ne peut exiger d’autres pièces que celles visées au Code de l’urbanisme.
Il en avait déduit qu’une décision tacite d’acceptation avait été acquise au terme du délai d’instruction et que la décision de refus émise postérieurement par le Maire devait s’analyser comme tendant en réalité à son retrait (CE, Section, 9 décembre 2022, Commune de Saint-Herblain, req. n° 454521, publié au recueil Lebon).
Au visa de l’article L.423-1 du code de l’urbanisme (CU), la haute juridiction censure ce raisonnement en jugeant que si une demande illégale n’a pas d’effet sur le délai d’instruction, le fait que la demande d’éléments complémentaires ait porté, parmi d’autres, sur (au moins) une pièce que le service instructeur était en droit de demander suffit à l’interrompre.
2️⃣La seconde erreur de droit relevée porte sur la motivation des décisions de rejet des demandes de permis ou d’opposition à déclaration préalable.
Le juge des référés avait jugé que la décision de refus de permis était illégale faute de motivation suffisante, en refusant de prendre en considération le motif tiré de la violation d’une disposition du PLU invoqué devant lui par la commune.
Il se trouve à nouveau corrigé par le Conseil d’Etat qui rappelle que l’administration peut, dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, invoquer en cours d’instance un motif à même de justifier légalement sa décision alors qu’il n’y était pas énoncé, sans contrevenir à l’obligation de motivation intégrale découlant de l’article L.424-3 du Code de l’urbanisme (CE, avis, 25 mai 2018, Préfet des Yvelines et autres, n° 417350).
⚠️ Ayant annulé la décision de première instance, le Conseil d’Etat décide, sur le fondement des dispositions de l’article L.821-2 du code de justice administrative (CJA), de régler l’affaire sans renvoi.
Il rejette alors la requête pour défaut d’urgence.
Le Conseil d’Etat procède à un rappel de la manière dont cette condition, découlant de l’article L.521-1 du CJA, doit être appréciée dans le cadre de la contestation du refus d’une autorisation d’urbanisme (qui ne dispose pas de la présomption d’urgence des décisions positives prévue à l’article L. 600-3-1 du Code de l’urbanisme).
➡️ Les hauts magistrats estiment d’abord que la demande de permis visait à régulariser une construction illégale édifiée depuis plusieurs années, de sorte que la situation d’urgence invoquée résultait du comportement fautif des requérants qui n’ont pas respecté les règles d’urbanisme.
➡️ Il relève ensuite que rien, dans la situation financière et familiale des requérants ne caractérisait une urgence à suspendre les effets de la décision de refus, alors en outre que le caractère provisoire du permis de construire qui aurait pu le cas échéant leur être délivré au terme du réexamen de leur demande ne leur assurait pas la possibilité de vendre leur bien à bref délai.
Le Juge administratif a pris en compte le caractère irrégulier de la construction réalisée (sans autorisation) et le caractère seulement provisoire d’une autorisation qui aurait été obtenue au terme de la procédure, pour rejeter l’urgence.