Une décision intéressante du Conseil d’Etat vient expliciter les conséquences d’une demande de modification d’un PLU approuvé, formée par le Préfet dans le cadre des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 153-25 du code de l’urbanisme, lorsque celle-ci bouleverse l’économie générale du document.

On sait que lorsque le PLU n’est pas couvert par un SCoT (et sous réserve de sa publication sur portail national de l’urbanisme) le caractère exécutoire du PLU n’intervient qu’« un mois après leur transmission à l’autorité administrative compétente de l’Etat, sauf si dans ce délai elle a décidé de mettre en œuvre les dispositions de l’article L. 153-25 ou de l’article L. 153-26 » (article L.153-23 II. 2°).

Ce délai d’un mois permet donc au Préfet de mettre en œuvre les pouvoirs qu’il tient de l’article L.153-25 dudit Code :

« Lorsque le plan local d’urbanisme porte sur un territoire qui n’est pas couvert par un schéma de cohérence territoriale approuvé, l’autorité administrative compétente de l’Etat notifie, dans le délai d’un mois à compter de sa transmission à l’autorité administrative compétente de l’Etat, par lettre motivée à l’établissement public de coopération intercommunale ou à la commune, les modifications qu’il estime nécessaire d’apporter au plan (…) »  

Dans cette hypothèse (PLU non couvert par un SCoT) et dans ce délai, le caractère exécutoire du PLU approuvé est reporté « qu’après que les modifications demandées et la délibération qui les approuve ont été publiées dans les conditions prévues au I ou au III de l’article L. 153-23 et transmises à l’autorité administrative compétente de l’Etat » (dernier alinéa de l’article L.153-25 du Code de l’urbanisme).

Sur le fondement de ces dispositions la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait considéré que les modifications d’un PLU résultant de la mise en œuvre par le préfet des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 153-25 n’impliquaient pas la réalisation d’une nouvelle enquête publique préalablement à leur adoption, alors même qu’elles entraîneraient un bouleversement de l’économie générale du plan. CAA Bordeaux, 2 mars 2023, n° 21BX03224: AJDA 2023. 793, chron. Roussel ; Constr.-Urb. 2023, n° 55, note Couton).

Pour arriver à cette conclusion, la Cour indiquait, de première part, que le recours à ce dispositif ne relevait pas de la procédure de modification mais visait « dans un objectif d’intérêt général à assurer la compatibilité du plan avec les principes et documents d’urbanisme qu’elles mentionnent », de seconde part, que « la mise en œuvre du pouvoir que tient le préfet de ces dispositions intervient nécessairement après l’enquête publique et la transmission aux services de la préfecture de la délibération approuvant le PLU et pour des motifs déterminés par la loi ». 

Ce faisant, elle distinguait implicitement deux régimes de modifications du projet après enquête publique, celui relatif aux modifications procédant de l’enquête publique (L. 153-21) qui ne peut conduire à bouleverser l’économie générale du plan sans nouvelle enquête publique, celui relatif aux modifications relevant des pouvoirs exorbitants du Préfet au titre de l’article L.153-25 du Code de l’urbanisme qui peut bouleverser l’économie générale du plan sans nécessiter de nouvelle enquête publique.

Le Conseil d’Etat a censuré cette position en posant explicitement que les modifications qui interviennent dans le cadre de la mise en œuvre de l’article L.153-25 et qui bouleversent l’économie générale du projet doivent être soumises à nouvelle enquête publique.

Les conclusions du rapporteur public, éclairantes, identifient parfaitement les motifs gouvernant cette solution et tenant au fait, pour résumer, que les demandes de modifications du Préfet, même fondées sur les causes objectives énumérées à l’article L.153-25, ne peuvent s’insérer sans autres formalités dans le document d’urbanisme : non seulement, les demandes formées peuvent être imprécises et nécessiter des arbitrages de la collectivité qu’une enquête publique aidera à opérer, mais les modifications sont également susceptibles de nécessiter la modification de tout ou partie des éléments du document afin d’en garantir la cohérence.  

CE, 2-7  chr, 13 juin 2024, n° 473684, Lebon T.