Contrats publics
Précisions sur la nature des contrats passés par une SPL.
CE, 14 février 2023, n° 460527
Dans un arrêt en date du 14 février 2023, le Conseil d’Etat a apporté des précisions sur la nature des contrats passés par les sociétés publiques locales (SPL).
En l’espèce, une SPL d’aménagement créée sur le fondement de l’article L. 1531-1 du CGCT par une région et une communauté d’agglomération avait lancé une procédure d’attribution pour un marché à bons de commande de fournitures et de services. A l’issue de cette procédure, un candidat évincé a saisi le juge administratif aux fins d’annulation ou de résiliation du contrat.
Si le TA de Guyane et la CAA de Nantes n’ont pas fait droit à cette demande, ils n’ont pas pour autant relevé d’office l’incompétence de la juridiction administrative. Or, et comme l’a souligné le Conseil d’Etat, ladite SPL a été créée afin de permettre à des collectivités de transmettre certaines missions à une personne morale de droit privé contrôlée par elles. En attribuant un marché dans le cadre de ses missions, la SPL doit être regardée comme ayant agi en son nom et pour son propre compte. Il en résulte qu’elle ne saurait être considérée comme une entité transparente.
Partant, le contrat en litige n’est pas administratif, et le contentieux de sa passation ne relève pas de la compétence du juge administratif mais de celle du juge judiciaire.
Les délais de notification et de contestation du décompte de résiliation.
CE, 27 janvier 2023, n° 464149, Rec ; t ;
Dans le cadre de la résiliation d’un marché, la notification tardive (c’est-à-dire, après le délai de deux mois suivant la signature du procès-verbal de résiliation prévu par l’article 47 du CCAG travaux alors en vigueur) du décompte de liquidation n’en fait pas moins courir le délai de 45 jours imparti par l’article 13 dudit CCAG au titulaire pour renvoyer au représentant du pouvoir adjudicateur le décompte revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou pour faire connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer, à peine d’être regardé comme ayant accepté le décompte notifié par le représentant du pouvoir adjudicateur.
Partant, doit être écartée la contestation du décompte de liquidation introduite après l’expiration du délai de 45 jours évoqué ci-avant, décompte devenu définitif alors même qu’il a été notifié 9 mois après la résiliation du marché.
Les évolutions prévues de la masse salariale sont une information essentielle que le titulaire sortant doit communiquer.
Com. 11 janvier 2023, n° 20-13.967
Le titulaire sortant d’un marché qui ne communique pas les évolutions prévues de la masse salariale concernée par l’obligation de reprise du personnel commet une faute qui fait obstacle au respect des règles de publicité et de mise en concurrence, cette information étant jugée essentielle à l’élaboration de leur offre par les candidats.
Urbanisme et environnement
Annulation d’une charte promoteurs imposant des règles impératives aux opérateurs immobiliers.
TA Rouen, 26 janvier 2023, n° 2202586
Par un jugement en date du 26 janvier 2023, le Tribunal administratif de Rouen a annulé la délibération approuvant une « Charte de l’urbanisme et du cadre de vie ».
Relevant que la délibération en litige entendait « fixer les règles du jeu en matière de construction, d’aménagement et d’urbanisme » par le biais « d’engagements » devant être « scrupuleusement appréhendés dans chaque opération », le juge administratif a considéré que la Charte devait être regardée « comme imposant des règles impératives aux opérateurs immobiliers » et que, par suite, la commune n’était pas compétente pour adopter de telles prescriptions en matière d’urbanisme.
Ainsi, si les communes peuvent avoir recours à des chartes d’urbanisme, ces dernières sont dépourvues de tout caractère réglementaire (CAA Nantes, 23 octobre 2015, n° 14NT03272) et seront frappées d’illégalité si elles venaient à prescrire des engagements s’imposant aux pétitionnaires.
Précisions sur l’intérêt à agir du tiers contre un permis de construire modificatif.
CE, 17 février 2023, n° 454284
Dans un arrêt mentionné aux Tables, le Conseil d’Etat est venu préciser les contours de sa jurisprudence relative à l’intérêt à agir contre un permis de construire modificatif.
En l’espèce, des tiers avaient contesté, devant le Tribunal administratif de Marseille, un permis de construire modificatif. Ceux-ci avaient contesté le permis initial, sans succès. Faisant une application implacable de la jurisprudence établie en la matière (CE, 17 mars 2017 n° 396362), le juge du fond a écarté l’intérêt à agir des requérants.
Saisie, la Haute juridiction administrative réaffirme le principe selon lequel l’intérêt à agir contre un permis modificatif s’apprécie à l’aune des modifications apportées au projet initial. Ce qui valait jusqu’à alors uniquement pour le tiers n’ayant pas utilement contesté le projet initial vaut désormais également pour celui qui a « épuisé les voies de recours contre le permis initial, ainsi devenu définitif ».
Précisions sur les conditions de recevabilité d’une tierce opposition.
CE, 25 janvier 2023, n° 449197
Dans un arrêt mentionné aux Tables, le Conseil d’Etat a jugé que la seule circonstance qu’une personne justifiait d’un intérêt pour agir contre une décision administrative ne lui donne pas qualité pour former tierce opposition contre une décision juridictionnelle.
En l’espèce, la Société Raz Energie 7 a introduit un recours devant le TA de Toulouse afin d’obtenir l’annulation de la décision de refus et d’enjoindre au préfet de procéder à la délivrance d’une autorisation unique pour la construction d’un parc éolien. Demande rejetée dans un premier temps par le juge de première instance, puis accueillie par le juge d’appel, lequel a notamment admis les interventions en défense d’une commune, d’une association et de plusieurs particuliers.
Ces derniers ont vu leur tierce opposition, formée à l’encontre de l’arrêt de la CAA, rejetée par la Haute juridiction administrative. Le CE a en effet considéré que « la circonstance qu’une personne justifie d’un intérêt pour agir contre une décision administrative ne lui donne pas, de ce seul fait, qualité pour former tierce opposition à l’arrêt par lequel une cour administrative a annulé la décision refusant cette autorisation ».
En l’espèce, les tiers ne justifiaient pas d’un droit qui leur aurait donné qualité, à défaut d’intervention de leur part, pour former tierce opposition à l’arrêt. Partant, leur opposition était irrecevable.
Irrecevabilité de l’intervention du maire d’arrondissement en défense d’un permis de construire, légalité de l’autorisation délivrée sans autorisation ERP et contrôle du caractère innovant d’un projet.
CE, 13 janvier 2023, n° 450446
Par une décision en date du 13 janvier 2023, le Conseil d’Etat a confirmé un jugement du TA de Paris, lequel avait annulé l’arrêté octroyant un permis de construire pour le projet, porté par Paris Habitat, d’un grand ensemble immobilier sis rue Erlanger. Cette décision est intéressante pour plusieurs motifs.
En premier lieu, on relèvera que le juge administratif a rejeté comme irrecevable l’intervention du maire de l’arrondissement d’assiette du projet, lequel ne justifiait pas « d’un intérêt suffisant au maintien du jugement attaqué ».
Ensuite, le CE a retenu qu’un permis de construire pour un établissement recevant du public (ERP) peut être délivré alors même que le pétitionnaire n’a pas encore obtenu l’autorisation prévue par le Code de la construction et de l’habitation, à condition que le permis mentionne expressément l’obligation de demander et d’obtenir une telle autorisation avant l’ouverture au public.
Enfin, on relèvera le contrôle exercé par le juge quant au caractère prétendument innovant du projet en litige, au sens de l’article UG 11 du PLU de Paris. Si le projet était présenté comme tel, le CE a considéré que « les constructions imposantes en béton projetées (…) n’exprimaient aucune création architecturale, n’avaient, malgré la végétalisation des toitures, pas de caractère innovant et ne s’intégraient pas de manière harmonieuse aux lieux avoisinants ».
Contestation du permis modificatif au cours de l’instance contre le permis initial.
CE, 1er février 2023, n° 459243
Il résulte de l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme que la contestation du permis modificatif, si elle intervient dans le cadre d’un recours portant sur le permis initial et est introduite par une des parties audit litige devant la même juridiction, doit être regardée comme un mémoire produit dans l’instance en cours, à condition bien sûr que le juge n’ait pas encore statué sur le fond. Cette contestation s’opère sans condition de forme ni de délai.