Contrats publics

Pas d’obligation de mise en concurrence préalable pour les titres d’occupation du domaine privé.

CE, 2 décembre 2022, Commune de Biarritz, n°455033, Rec.

CE, 2 décembre 2022, Société Paris Tennis, n° 460100, Rec.

– Dans deux arrêts rendus le 2 décembre 2022, le Conseil d’État a nuancé la portée de l’obligation de mise en concurrence pesant sur l’attribution des titres d’occupation domaniale depuis 2016 (CJUE, 14 juillet 2016, Promoimpresa, aff. n°C-458/14 et C-67/15). 

Dans la première affaire (n° 460100), le Conseil d’État a affirmé qu’il ne ressortait ni de l’article 12 de la directive Services, ni de l’arrêt Promoimpresa précité que la conclusion d’un bail emphytéotique portant sur un bien du domaine privé d’une personne publique (en l’occurrence, l’hôtel du Palais de Biarritz) serait soumise à des obligations de publicité et de mise en concurrence préalables. 

À l’inverse, dans la seconde affaire (n° 455033), le Conseil d’État livre une application stricte de la directive Services. Pour attribuer un contrat autorisant l’occupation d’une dépendance du domaine public pour y exploiter les six courts de tennis du jardin du Luxembourg, le Sénat aurait dû organiser une procédure de sélection ouverte préalable. 

Par ces deux arrêts, le juge administratif trace une frontière distincte entre domaine public et domaine privé, et vient clore un débat doctrinal né au moment de la transposition des règles européennes en droit français. En effet, la doctrine ministérielle avait un temps considéré que le droit de l’Union n’opérait pas de distinction selon que l’activité de service s’exerçait sur le domaine public ou sur le domaine privé, de sorte que les titres d’occupation délivrés sur ce dernier devaient également être soumis à une procédure de sélection préalable. 

Le membre du conseil d’administration d’un EPCSCP n’est pas un tiers privilégié au contrat.

CE, 2 décembre 2022, Université de Lyon, n°454323, Tables

– Dans le cadre du recours Tarn-et-Garonne (CE, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994), le membre du conseil d’administration d’un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPCSCP), au sens de l’article L. 711-1 du code de l’éducation, ne peut se voir accorder la qualité de tiers privilégié au contrat, l’exonérant de l’invocation d’un intérêt lésé de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses pour obtenir intérêt à agir contre ledit contrat.  

Ainsi, le Conseil d’Etat s’en tient à sa liste, brève et exhaustive, des tiers privilégiés, laquelle contient, outre le préfet, les membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné par le contrat. 

Assujettissement de l’indemnité d’imprévision à la TVA dans les contrats publics.

DAJ, 8 décembre 2022, Question-réponse

– Le 8 décembre 2022, la Direction des Affaires juridiques (DAJ) a apporté une réponse affirmative à la question de savoir si les indemnités d’imprévision, prévues à l’article L. 6 du code de la commande publique, étaient assujetties à la TVA. 

En effet, et comme le souligne la DAJ, dès lors que « Le versement de l’indemnité d’imprévision a pour finalité de permettre au cocontractant de l’administration d’assurer l’exécution du contrat », il existe « un lien direct entre le principe du versement de l’indemnité d’imprévision et la réalisation des livraisons de biens et prestations prévues par le contrat », de sorte que ladite indemnité doit être considérée comme la contrevaleur effective des opérations réalisées par le titulaire du contrat  au sens du code général des impôts, et doit donc être assujettie à la TVA.       

Urbanisme et environnement

Précisions sur la demande de dérogation « espèces protégées ».

CE, avis, 9 décembre 2022, Association Sud-Artois pour la protection de l’environnement, n°463563

Par un avis du 9 décembre, le Conseil d’Etat a répondu à une question qui lui a été transmise par la Cour administrative de Douai en vertu de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, concernant les conditions d’appréciation de l’obtention d’une dérogation à l’interdiction d’atteindre une espèce protégée par le code de l’environnement. En l’espèce, la cour administrative de Douai devait se prononcer sur la contestation d’un projet de construction d’un parc éolien dans le département du Pas-de-Calais.

Il résulte du principe d’interdiction de destruction des espèces et habitats protégés que la « destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites ».

Toutefois, l’autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que « sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d’une part, à l’absence de solution alternative satisfaisante, d’autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et enfin, à la justification de la dérogation par l’un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur ».

Le Conseil d’Etat précise que pour savoir si une demande de dérogation doit être déposée, il convient d’identifier l’espèce à laquelle le projet est susceptible de porter atteinte, sans que l’applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de leur état de conservation.

Par cet avis, le Conseil d’Etat est venu rappeler les trois conditions qui doivent être réunies pour que l’autorité administrative délivre une dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées par un porteur de projet. Les trois conditions distinctes et cumulatives sont les suivantes (art. L. 411-2 du Code de l’environnement) :

– l’absence d’une autre solution satisfaisante ;

– l’absence de nuisance au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ;

– le projet doit justifier d’un des cas dans lesquels une dérogation peut être accordée.

Concernant la délivrance de la dérogation espèces protégées, le Conseil d’Etat est venu préciser qu’un pétitionnaire doit obtenir une dérogation « espèces protégées » si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. Pour évaluer ce risque, l’autorité administrative opère un contrôle des garanties d’effectivités des mesures d’évitement et de réduction proposée par le pétitionnaire et l’état de conservation des espèces concernées.

Dans l’hypothèse où les mesures proposées permettent de diminuer le risque pour les espèces protégées au point qu’il apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé, il n’est dès lors pas nécessaire de solliciter une dérogation « espèces protégées ».

Si le risques est suffisamment caractérisé et qu’une dérogation EP s’impose, la présence des trois critères susvisés doit alors être instruite. Et les mesures de réduction, d’évitement et de compensation des atteintes proposées par le porteur de projet sont prises en compte par l’autorité administrative dans le cadre de l’examen de la délivrance de la dérogation espèces protégées.

Une demande illégale de pièces complémentaires n’interrompt pas le délai d’instruction.

CE, 9 décembre 2022, n°454521, Rec.

– Le Conseil d’Etat est venu préciser les règles applicables à une demande de pièces complémentaires par l’administration dans le cadre de l’instruction d’une autorisation d’urbanisme.

Le Conseil d’Etat indique qu’à l’expiration du délai d’instruction d’une autorisation d’urbanisme naît une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite et précise que la demande illégale de pièces de l’administration ne peut interrompre ou modifier ce délai. En effet, la demande de communication dans le délai d’instruction d’une pièce qui n’est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l’urbanisme, n’est ni interruptive, ni modificative du délai d’instruction. Par conséquent, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l’expiration du délai d’instruction, sans qu’une telle demande puisse y faire obstacle.

Cet arrêt constitue un revirement de la jurisprudence du Conseil d’Etat qui consistait jusqu’alors à considérer que « l’illégalité d’une demande de production d’une pièce complémentaire ne peut avoir pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d’une décision implicite de non-opposition » (CE, 9 décembre 2015, n° 390273, Commune d’Asnières-sur-Nouère, mentionné aux tables du recueil Lebon).

Publication du décret d’application de la loi climat et résilience relatif à la mise en demeure de réhabiliter dans les ZAE.

Décret n° 2022-1639 du 22 décembre 2022 précisant les modalités de mise en demeure de travaux de réhabilitation de locaux, terrains ou équipements dans les zones d’activité économique

– Entendant « faciliter l’intervention des personnes publiques pour traiter et requalifier les zones d’activité économique (ZAE) », le législateur avait introduit par le biais l’article 220 de la loi climat et résilience du 22 aout 2022, un nouvel article L. 300-8 du code de l’urbanisme.

Celui-ci ouvre la possibilité pour les pouvoirs publics (préfet de départe145990 ou, le cas échéant, EPCI) de mettre en demeure les propriétaires concernés de conduire les travaux nécessaires sur les locaux, terrains ou équipements situés dans une ZAE faisant l’objet d’un projet partenariat d’aménagement ou dans le périmètre d’une opération de revitalisation du territoire (ORT) et identifiés comme étant en absence d’entretien ou dans un état de dégradation tel qu’il compromet une opération d’aménagement ou de restructuration de ladite zone.

Le décret vient préciser les modalités de ce dispositif en modifiant l’article R. 300-28 du code précité. La mise en demeure se fait donc par LRAR et sera portée à la connaissance des exploitants et occupants concernés « par tout moyen ». Par ailleurs, si, au bout d’un délai de trois mois, les propriétaires n’ont pas manifesté de volonté de se conformer à la mise en demeure ou si aucun travaux n’a été entrepris dans un délai d’un an, « l’expropriation peut être engagée dans les conditions prévues par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ».

Notons à toutes fins utiles que la nouvelle version de cette article concerne également les ensembles commerciaux situés dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (article L. 300-7 du code de l’urbanisme).